Episode Méditerranéen / Cévenol
Chaque année et à plusieurs reprises, des épisodes de fortes pluies (cévenol et méditerranéen) concernent les régions du Sud-Est de la France. Ces phénomènes peuvent être accentués par les reliefs et de la nature particulière des terrains.
Ils peuvent ainsi être dévastateurs à cause des fortes quantités de pluie qui s'abattent en peu de temps, à fortiori quand ils prennent un caractère orageux. C'est d'ailleurs près de la Méditerranée que sont enregistrés les cumuls de pluies les plus importants en France métropolitaine.
Comment se forme-il ? Quelles sont les différences entre ces 2 phénomènes ? Quelles sont les périodes à risque ?
C'est ce que nous allons voir sur ce dossier.
Contexte météorologique général :
Généralement, l'épisode cévenol et méditerranéen se forment de la même manière. En effet, au printemps et surtout à l'automne, nous sommes à une période de l'année où les échanges thermiques (froid-chaud) entre les zones de latitude élevées et les zones subtropicales sont très importants.
Pour que ces phénomènes se forment, il faut une zone de basse pression (dépression) située sur la Péninsule Ibérique et une zone de haute pression (anticyclone) présente sur l'Europe Centrale.
Cela engendre un courant de Sud bien dynamique entre le Maghreb et la France. Il ne faut pas oublier qu'à cette période (entre Septembre et Novembre) la température de la mer Méditerranée peut-être élevée (souvent au dessus de 20°C) et même 25°C en Septembre. Une évaporation importante peut ainsi s'opérer et l'humidité est transportée ensuite dans le courant de Sud vers les zones méditerranéennes.
En s'élevant, l'air va se condenser et rencontrer une infiltration d'air plus frais en altitude en provenance du Nord, des nuages se forment et s'agglomérent en remontant vers le Nord et engendrent des pluies fortes et parfois orageuses.
Si une situation de blocage est présente (c'est à dire que les centres d'actions* restent à peu près stationnaires), les cumuls de pluies pourront être très importants et engendreront des inondations catastrophiques sur les zones impactées comme ce fût malheureusement le cas à plusieurs reprises dans le passé.
L'épisode cévenol :
Maintenant que nous avons vu le contexte météorologique global nécessaire à la formation de ces épisodes pluvieux, nous allons zoomer et nous intéresser à l'épisode cévenol.
Tout d'abord (et comme son nom l'indique), ils ne concernent uniquement le relief tandis que les plaines restent systématiquement à l'écart.
En effet, les nuages en provenance de la mer deviennent de plus en plus menaçants en passant sur les plaines du Languedoc et peuvent parfois engendrant quelques averses isolées et fortes sans comparaison avec ce qu'il peut se passer quelques dizaines de kilomètres plus au Nord. En s'approchant des reliefs, l'air chaud suit les pentes et s'élève en se refroidissant progressivement. Les nuages se bloquent ensuite contre les flancs des reliefs (en particulier les Cévennes) et engendrent des pluies intenses, durables et parfois orageuses si l'instabilité est suffisamment importante. Les cumuls de pluies peuvent alors atteindre des niveaux remarquables : on peut parler de 150 à 200mm en 48h pour les épisodes relativement faibles, plutôt 200 à 400mm pour les épisodes classiques et plus de 500mm pour les épisodes forts.
Les communes de Bédarieux et Lodève côté Hérault et le Vigan, Valleraugues, Auduze et Ales sont des zones systématiquement impactées par ces épisodes tandis que les plaines (Béziers, Montpellier, Lunel et Nîmes) restent à l'écart en dehors de quelques pluies.
L'Épisode méditerranéen
Comme son nom l'indique, les épisodes méditerranéens concernent majoritairement les plaines méditerranéennes de Perpignan à Menton et peu les reliefs comme les Cévennes.
Ils peuvent durer plusieurs jours. Sur ces 2 schémas, vous pouvez remarquer que contrairement à l'épisode cévenol, les vents marins faiblissent assez rapidement dans les terres. Cela engendre des convergences de vent près des littoraux et entretiennent l'activité pluvieuse et orageuse. Les cumuls deviennent très importants, entre 200 et 300mm en général, parfois plus de 500mm pour les épisodes les plus forts.
C'est dans ce contexte que des trombes marines se forment aux abords des littoraux et peuvent atterrir sur les plages. Ces trombes marines deviennent tornades quand elles se prolongent dans les terres sur plusieurs centaines de mètres. Le littoral Varois, des Alpes maritimes et le Golfe de Gênes en subissent plusieurs dizaines par an.
Les épisodes méditerranéens / Cévenol les plus récents :
- Le 3 octobre 1988 à Nîmes : 420 mm tombent en moins de 12 heures, c'est-à-dire l'équivalent de 6 mois de pluie, concentrés sur Nîmes.
- Le 22 septembre 1992 à Vaison-la-Romaine : ce sont près de 300 mm (l'équivalent de 3 à 4 mois de précipitations) qui se sont déversés en 5 heures seulement en amont de Vaison-la-Romaine, provoquant une crue éclair de l'Ouvèze
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- 26 septembre 1992 : à Rennes-les-Bains dans la haute vallée de l'Aude et 292 mm mesurés à Narbonne.
- Toussaint 1993 : 906 mm en 2 jours sont relevés au col de Bavella en Corse du Sud dont 780 mm le 31.
- Le 12 novembre 1999, inondations de l'Aude : la zone la plus sévèrement touchée est la région des Corbières où il est tombé à Lézignan 620 mm en 36 heures (soit plus des 2 tiers d'une année habituelle de pluie).
- Le 8 septembre 2002 dans le Gard : 687 mm à Anduze en moins de 36 heures (les 2 tiers d'une année habituelle de pluie).
- 15 juin 2010 dans le Var : 461 mm à Lorgues, près de Draguignan, en moins de 12 heures (soit l'équivalent de la moitié de ce qui tombe habituellement en une année).
- L'automne 2014 s'est distingué par la persistance remarquable de situations fortement perturbées sur les départements méditerranéens, des Cévennes et de la Côte d'Azur conduisant à un nombre record d'épisodes (depuis 1958) entre le 16 septembre et le 30 novembre (9 épisodes).
- Le 3 octobre 2015, l'ouest de Alpes Maritimes est touché : 195 mm à Cannes dont 175 en 2 heures et 178 mm à Mandelieu dont 156 mm en 2 heures.Cet épisode démontre que ce n'est pas seulement la hauteur totale des précipitations qui importe, mais aussi les intensités maximales atteintes et la vulnérabilité des territoires concernés.
- Les 14 et 15 octobre 2018, le département de l'Aude a connu des pluies diluviennes et a été placé en vigilance rouge pluie-inondation. 14 personnes y ont péri. Les cumuls en 12 heures ont été particulièrement remarquables : 295 mm à Trèbes (dont 244 mm en 6 heures et 111 mm en 2 heures), 212 mm à Arquettes-en-Val. Cet épisode méditerranéen a aussi affecté les départements des Pyrénées-Orientales, du Tarn et de l'Hérault où de très forts cumuls en 2 jours ont été relevés : 366 mm à La Salvetat (Hérault) , 299 mm à Fraisse-Murat (Tarn).
Épisode méditerranéen, Cévenol et changement climatique :
L'analyse des événements pluvieux extrêmes méditerranéens au cours des dernières décennies permet de dégager les tendances suivantes pour les régions françaises :
● l'intensification des fortes précipitations dans les régions méditerranéennes entre 1961 et 2015 : +22 % sur les maxima annuels de cumuls quotidiens, avec une variabilité interannuelle très forte, qui explique la forte incertitude (de +7 à +39 %) sur l'ampleur de cette intensification.
● l'augmentation de la fréquence des épisodes méditerranéens les plus forts, en particulier ceux dépassant le seuil de 200 mm en 24 h.
L'étude des précipitations intenses et de leur évolution future reste un défi majeur pour les modélisateurs du climat. Ces phénomènes sont en effet relativement mal représentés dans les modèles de climat standard. Au cours de ces dernières années, le programme international CORDEX* a permis de réaliser et de mettre à disposition des ensembles de simulations climatiques régionales à des résolutions spatiales (~10 km) permettant une meilleure représentation des évènements méditerranéens et donc une meilleure confiance dans leurs projections futures.
Les analyses d'extrêmes appliquées aux modèles CORDEX indiquent une augmentation de l'intensité des précipitations intenses sur la partie nord du bassin méditerranéen. Sur la région méditerranéenne française, l'intensification des précipitations extrêmes devrait être de l'ordre de quelques % sur les cumuls quotidiens par °C de réchauffement.
Même si une augmentation de leur intensité se dessine, l'évolution future des précipitations extrêmes en Méditerranée reste aujourd'hui assez incertaine quantitativement. Les travaux de recherche en cours devraient permettre de progresser sur ce sujet d'une part en combinant mieux les ensembles de simulations globales et régionales de climat et d'autre part en utilisant des modèles climatiques de nouvelle génération pouvant atteindre les échelles kilométriques et représentant mieux la convection atmosphérique. Ces nouveaux modèles devraient également permettre d'étudier l'évolution possible des cumuls de précipitations horaires.
*Centres d'actions : anticyclone et dépression
*CORDEX : Coordinated Regional Climate Downscaling Experiment
Source image : Météo France